Faircoin, la crypto-monnaie du Robin des Bois Catalan qui a « extorqué » les banques pour donner aux pauvres

Tereseta General Ecosystem @fr

Pour Lucia El Asri 04/05/2015 Hojaderouter.com
Enric Duran travaille avec une nouvelle monnaie électronique qui vise à contribuer à la création d’un écosystème mondial  coopératif en mesure de rivaliser avec le capitalisme. La monnaie est basée sur les valeurs de coopération, de solidarité et d’égalité et  met de côté l’individualisme, ce qui, selon l’activiste, définit Bitcoin.
 
Faircoin est né début Mars 2014 des mains d’un développeur anonyme qui l’a ensuite abandonné sans laisser de trace. 50 millions de devises ont été créées et distribuées entre le 6 et 8 de ce même mois, à un rythme de 1.000 unités à l’ heure, et ont été offertes aux personnes qui se sont jointes à l’initiative. Faircoin est devenue la première monnaie virtuelle qu’il n’était  pas nécessaire de miner (au début), et qui serait partagée équitablement afin de promouvoir l’égalité entre les participants.
 
La monnaie a été orpheline jusqu’à l’été dernier. Entre Avril et Mai, Enric Duran, le célèbre  Robin des Bois catalan, l’a sauvé avec l’aide de Thomas König, un développeur de «logiciels» de plus de vingt ans d’expérience.
 
Nous parlerons de Faircoin  une crypto-monnaie dont le nom se réfère à la justice économique et le commerce équitable, et qui correspond aux valeurs que Duran a toujours préconisées. Duran est un activiste qui s’est fait connaître après avoir extorqué des banques entre 2006 et 2008, autour de € 492 000 en prêts. Il a prétendu qu’il voulait réformer son appartement ou acheter une voiture, avait présenté des fiches de paie et autres faux documents et a même  créé des sociétés fictives pour cautionner son escroquerie.
 
Son intention a toujours été d’allouer cet argent pour financer des mouvements sociaux et donner une leçon au système financier et en démontrer la faiblesse. Il a donc commencè à se faire connaître comme le Robin des Bois des banques, qui escroque les riches pour donner aux «pauvres». Ses activités l’ont conduit à passer par la prison et à une longue période dans la clandestinité.  Il conserve l’espoir de redevenir complètement libre, bien qu’il admette que la route est encore longue. Malgré les obstacles et le fait d’être d’ètre recherché par la police, il continue son  combat de toujours: construire des alternatives au système financier, cette fois au moyen de Faircoin.
 
König est devenu responsable du contrôle des aspects techniques de la crypto-devise, d’en assurer la sécurité (en en corrigeant les vulnérabilités) et de l’adapter aux exigences que dès le début Duran avait en tête. « Quand personne ne lui prêtait attention et que Faircoin ne valait rien, moi et d’autres nous sommes consacrés à l’achat de Faircoins», explique le catalan à HojaDeRouter.com.  Quand ils en ont acquis une quantité suffisament significative, ils ont lancé le projet  publiquement.
 
Is ont ainsi fait de  Faircoin la monnaie officielle de Faircoop, une coopérative ouverte, de portée mondiale, née à la mi-Septembre 2014 et qui fonctionne « comme une coopérative de coopératives et d’autres initiatives sociales et collaboratives. » Le nombre de devises dépasse maintenant 50 millions, chacune avec une valeur d’environ € 0,0184 ($ 0,0201), les utilisateurs qui y recourent sont environ 10.000    et sa capitalisation boursière dépasse € 950 000 (un peu plus un million de dollars).  Depuis le début de 2015, vous pouvez acheter des Faircoins avec une carte de crédit ou par virement bancaire et les échanger contre de l’argent liquide aux distributeurs automatiques dans 10000 distributeurs automatiques en Espagne grâce aux  services de Getfaircoin et Fairtoearth.
 
Conjointement, Faircoin Faircoop tentent de promouvoir un nouveau système mondial d’ «économie post-capitaliste » basé sur la collaboration et les «software» libres. La crypto-devise est devenue l’un de ses principaux axes, dans son «système de  base monétaire et de réserve de valeurs. »König explique que Faircoin promouvra la solidarité en permettant à quiconque de transférer des valeurs à d’autres personnes rapidement, en toute sécurité et à moindre coût, sans dépendre des pouvoirs gouvernementaux ou financiers.  En outre, « une monnaie peut être une bonne excuse pour générer un mouvement social et des réseaux de soutien mutuel autour d’elle, et de transporter le virus de la coopération » aux marchés monétaires, affirme Duran.
 
 
COMMENT FONCTIONNE FAIRCOIN?
 
Avec Bitcoin, les utilisateurs donnent une partie de leurs ressources informatiques afin que certains tâches puissent s’accomplir (comme contrôler les transactions de manière décentralisée). Cela fait partie de ce qui est connu comme «extraction » un processus par lequel les devises sont affectées en libérant l’algorithme: si vous êtes utilisateur et  ‘extractez’, vous pourriez en recevoir quelques unes. Le  plus de ressources informatiques vous y consacrez, plus grandes sont les possibilités.
 
Avec Faircoin, les utilisateurs cèdent également leurs ressources, mais dans ce cas l’extraction est minime (0,01% du processus). En cédant leurs ressources, ils effectuent une tâche en faveur de la communauté pour laquelle ils reçoivent une petite récompense directe. L’objectif, dans ce cas, n’est pas que les utilisateurs entrent en compétition pour obtenir de plus en plus de devises, mais plutôt qu’ils coopérent. C’est une philosophie très différente.
 
Au début, les faircoins se répartissaient de manière équitable pour éviter justement que seules les personnes avec capital ou ressources (grands serveurs) puissent bénéficier des devises. Ici ce qui importe est que les devises disponibles et celles qui sont générées servent à donner sécurité à la communauté, de sorte que tous les utilisateurs puissent en bénéficier.
 
Le fonctionnement de Faircoin est basée sur l’épargne  de tous les membres de la communauté qui l’utilise. Les « épargnants » obtiennent plus de devises lorsque  ils en gardent une certaine quantité pendant un certain temps, provoquant ainsi l’augmentation de valeur de ces faircoins. C’est un processus délibéré qui favorise la solidarité en réseau. Ainsi, dans le cas de Faircoin  dédier de grands serveurs à l’extraction n’a pas beaucoup de sens,  ce qui, selon Duran, « reduit le coût écologique » qui dans le cas de Bitcoin est très élevé ».
 
L’activiste  explique que Faircoin, bien que né comme une copie de Bitcoin et conserve son essence de moyen de paiement, diffère de la monnaie virtuelle par excellence dans sa philosophie, « ce qu’il ya derrière ». Dans le cas de Faircoin il s’agit d’une communauté de personnes qui collaborent et croit en l’être humain, en la confiance entre les personnes et les projets, et qui veut  utiliser Faircoin pour le bien commun, pour générer une vision collective et  améliorer la société. « Par contre, dans Bitcoin  prédominent l’individualisme, la recherche du bien personnel, le profit individuel ».
 
« À mesure que la valeur de la crypto-monnaie s’accroît,  notre capacité d’action pour allouer des faircoins à des projets affines à nos valeurs augmente », a déclaré Duran. Cela rendra possible de transporter le « virus de la coopération » sur le marché monétaire  pour remplacer le profit personnel et  la spéculation par des dynamiques de collaboration qui profitent au plus grand nombre possible de personnes et contribuent « à l’ensemble du système que nous développons. »
 
Le Catalan nous donne un exemple: dans les débuts de Faircoop, la coopérative a reçu 20% de la masse monétaire Faircoin (environ  10 millions de faircoins) afin d’aider divers projets à travers le monde. Ces Faircoines ont été distribués en trois fonds: le fonds pour les pays du Sud, pour aider des projets locaux, auxquels ont été destinés 5 millions; un fonds pour les biens communs, visant à créer et diffuser des outils pour le bien commun, auquel ont été destinés 2,5 millions; et le fonds d’Infrastructures Technologiques auquel 1,5 million ont été alloués.Un autre million a été investit ont dans le propre développement de Faircoop.
 
 
Ce n’est pas l’acteur FINAL
 
König explique qu’il travaille actuellement sur une seconde version de Faircoin qui introduit plusieurs changements importants.  D’une part  la coopération sera plus complète et  ne génèrera aucune récompense; de l’autre, les privilèges, que, jusqu’ici la crypto-monnaie attribuait à ceux qui obtiennaient le plus de faircoins au moyen de l’épargne, sont supprimés. « Ainsi Faircoin sera encore plus en phase avec nos valeurs et  deviendra une crypto-monnaie plus humaine», dit Duran.
 
Autant que Duran que König  soutiennent que Faircoin, bien qu’important au sein de Faircoop, « n’est qu’un outil qui s’inscrit dans un cadre global. »  Progressivement d’autres outils apparaîtront pour « compléter les sphères monétaires et économiques de Faircoop » annonce Duran. Il explique qu’un système  monétaire juste requière également un accès au crédit qui soit démocratique, accessible « à toutes les personnes ayant une capacité de production» et qu’à un moment donné puisse couvrir les besoins de base.
 
*** Cela sera possible à l’avenir avec une autre monnaie décentralisée appelée Faircredit, chargée de  promouvoir un modèle de crédit mutuel. Les prêts seront sans intérêts, les dettes des uns se transformeront en ressources pour les autres et la somme totale de tous les soldes du système sera égale à zéro, de sorte que le crédit ne dépendra plus des banques centralisées, mais du Bien Commun. L’apparition de Faircredit ne suppose pas la disparition de Faircoin, les deux seront utilisés conjointement.
 
Un nouveau système économique, social et financier?
 
Duran explique que l’initiative de créer un écosystème coopératif mondial n’a pas l’intention de faire disparaître directement le capitalisme, ni même implique que le capitalisme puisse disparaître. « Cela signifie que nous voulons avoir un espace dans lequel, de façon volontaire, les coopératives, les individus ou les collectifs qui souhaitent y participer puissent générer un environnement qui puisse être suffisamment autonome et indépendant du système capitaliste actuel. »  Autrement dit, qui puisse coexister avec le capitalisme pour que les citoyens puissent choisir auquel des deux ils veulent participer. Il est convaincu que, finalement, il sera démontré que ce nouveau système fonctionne beaucoup mieux que le système capitaliste.
 
Et que se passera-t’il avec les gens qui ne connaissent rien des  crypto-monnaies?  Comment gagneront -elles leur confiance? Duran sait que faciliter la compréhension de ce secteur est un défi, et qu’ils doivent le rendre accessible aux gens, mais ils doivent auparavant «construire un système solide et robuste » pour pouvoir ensuite le rapprocher de ceux qui sont encore éloignés de  la technologie. Pour l’instant, ils travaillent à ce que les groupes sociaux acceptent Faircoin  comme moyen de recevoir des dons et, en Mai ils commenceront à travailler pour que les entreprises, les travailleurs indépendants et les coopératives l’utilisent.
 
Duran affirme que l’une des erreurs majeures de la plupart des crypto-monnaies est d’avoir beaucoup axé leur développement dans «un environnement purement technologique plutôt que sur sa fonction sociale dans l’économie réelle», ce que Faircoin et ceux qui le rendent possible essaient de changer. Il est possible que les résultats ne puissent s’aprécier à court terme, mais l’activiste estime que les six prochains mois seront cruciaux pour la consolidation du projet.